Mon témoignage

Découvrez ci-dessous mon témoignage publié sur SociaLyme, la plateforme des malades chroniques.

Actualisé en décembre 2020

Pourrais-tu nous raconter ton parcours de malade de Lyme ?

Je m’appelle Marie et j’ai 40 ans. Tout a commencé il y a bien longtemps sans que je puisse définir une date. Vivant à l’époque dans une région française touchée par Lyme et voyageant à travers le monde, j’ai toujours eu beaucoup de piqûres, sans savoir identifier de quelle bestiole exactement.

Depuis mes 20-22 ans, j’ai par moment eu des périodes de petits soucis (vertiges, fatigues, diarrhées) sans que les examens médicaux ne montrent quoi que ce soit… mis sur le compte du stress.

A partir de 28-30 ans, mon état physique a commencé à se dégrader, mais tellement doucement qu’il était difficile de le voir sur quelques mois à « l’œil nu »: un-peu plus difficile de suivre les autres en randonnée, un-peu plus difficile de récupérer d’une soirée (même pas arrosée), …. A 30 ans, tout le monde me disait : « C’est normal, tu n’as plus 20 ans, on vieillit tous ».

En 2010, j’ai déclenché une maladie de Basedow : hyperthyroïdie (je sais maintenant que c’est souvent associé à Lyme). En même temps, les anticorps anti-nucléaires étaient positifs ainsi que le test Elisa pour Lyme (mais pas Western Blot). Personne ne s’en est soucié. J’ai suivi 1 an ½ de traitement pour le thyroïde et après, cela allait mieux.

L’hiver 2014-2015, pendant 5 mois, j’ai enchaîné non-stop rhume, bronchite, sinusite, angine. J’avais aussi des « crises » les nuits avec des douleurs au thorax avec impossibilité de respirer. Je gardais mon calme, mais parfois j’ai vraiment cru mourir dans mon lit. A la même période, suite à des malaises répétés, mon médecin m’a envoyée aux urgences… 12h sans rien manger pour qu’on me dise le soir : « Madame, vous pouvez rentrer, il n’y a rien à vos examens, cela doit être le stress ». A ce moment-là, les médecins en ont conclu à un burn-out. J'ai eu aussi de la cortisone à grosse dose pour calmer les allergies et douleurs; ce qui n'a fait qu'empirer encore plus mon état. J'ai mis 6 mois à récupérer mon souffle suite à ces épisodes.

En mai 2016, j’ai fait une mononucléose aiguë avec 4 mois pour récupérer. C’était le début de la fin.

En mai 2017, j’ai commencé à subir une pléthore de symptômes : problèmes intestinaux, cardiaques et urinaires, maux de tête, grosses douleurs musculaires et articulaires, suées, insomnies, hypoglycémie, problèmes cognitifs, vision double, sensibilité au bruit, perte de 10 kg en 1 an, nombreux troubles neurologiques,… Sur la grille de Richard Horowitz (le grand spécialiste américain de Lyme), j'avais alors 68 symptômes... L'épuisement ressenti avec cette maladie est juste indescriptible tellement il est accablant et handicapant.

J’ai encore réussi à tenir 9 mois en allant travailler, mais c’était un vrai calvaire avec des débuts de malaises quasi-quotidiens. La descente aux enfers avait vraiment commencé.

En avril 2018, lors de vacances dans le Sud de la France avec des amis, j’étais tellement épuisée que je voyais le sol s’ouvrir sous mes pieds pour m’engloutir. A partir de là a commencé un arrêt maladie de presque un an. La chute a été spectaculaire et les symptômes se sont aggravés fortement. Un calvaire que je ne souhaite à personne. Par moment, je ne pouvais même plus me lever du lit. En juin 2018, j’ai fait 2 très grosses crises nocturnes où mon côté droit se paralysait avec des douleurs terribles. Ma jambe droite ne me tenait plus. Le lendemain, le médecin a testé mes réflexes ; tout était normal. J’ai mis une semaine à retrouver un peu de force dans ma main droite. Depuis, j’ai perdu une partie des sensations de mon côté droit (thorax, bras, jambe, pied) et je sais que cela ne reviendra plus comme avant.

Depuis 3 ans, mes virus présents dans le corps se réactivent régulièrement : mononucléose, cytomégalovirus, herpès. En avril 2018, au vue des prises de sang, j’ai réactivé en même temps ces 3 virus ainsi qu’un retour de varicelle. Je vous laisse imaginer l’état d’épuisement quand on a tout d’un coup.

Et tes examens médicaux dans tout cela ?

A partir de 2017, j’ai commencé une errance médicale avec un enchaînement de spécialistes par dizaine (opthalmo, urologue, ORL, gastro-entérologue, spécialistes en médecine interne, allergologue, pneumologue, nutritionniste, etc) ainsi que des examens médicaux (scanners, échographies, IRM, radios, coloscopie, gastroscopies, manométrie, ECG, EFR, prises de sang par dizaine, etc). Quasi tous ces examens revenaient normaux, à part des carences en oligo-éléments.

Personne n’a pris mes symptômes d’une façon holistique.

De là ont commencé les remarques des médecins sur mon état psychologique. Pour eux, tout était dans ma tête et il fallait que je prenne des antidépresseurs. Le déni et surtout le rejet des médecins détruit psychologiquement : « Mais vous le faites exprès, à chaque fois qu’on se voit, vous dites que ça ne va pas mieux. Faites un petit effort, sinon, on ne va pas y arriver ».

J’ai vu des services de médecine interne d’abord dans ma ville puis à Grenoble et à Lyon. Avec certains anticorps positifs, j’ai eu le droit à divers diagnostics de maladies auto-immunes (sclérodermie, SEP, Gougerot, ...), sans preuves formelles. De plus, comme j’avais perdu 10 kg, les médecins me pensaient anorexique, alors que je mangeais bien (voir parfois bien plus que les autres) sans trouble de comportement alimentaire.

J’ai la chance d’avoir une psychiatre formidable. Malgré tous les examens négatifs, elle m’encourageait sans relâche à continuer à chercher et à faire confiance à mon ressenti et à mon corps, car pour elle, je n’avais pas de symptômes dépressifs ni un profil anorexique. C'est en parti grâce à elle si je suis encore là aujourd'hui.

La vie a d’abord mis sur ma route une bonne naturopathe qui a commencé à me donner de nombreux compléments alimentaires pour combler toutes mes carences. Cela a permis de stabiliser mon état (même très bas). Un nutrithéapeute m’a aussi diagnostiqué une candidose intestinale. Parallèlement, un régime sans gluten, sans lactose et sans sucre m’a énormément aidé.

J’ai ensuite fait des examens par moi-même comme le test des intolérances alimentaires, le test des neuro-transmetteurs ou encore l’immuno-phénotypage lymphocytaire qui a montré que mon système immunitaire était dans le même état qu’un malade du VIH. Les tests de Lyme étaient quant à eux négatifs. Je sais maintenant que la maladie était tellement avancée qu’aucun test ne pouvait plus ressortir positif.

Comment en es-tu venue à Lyme ?

Ma voisine, aide-soignante, m’a un jour parlé de Lyme. J’étais comme une partie de la population : je pensais que c’était un fourre-tout qui n’avait pas vraiment de signification. Mais j’ai décidé d’explorer cette piste qui était au final ma dernière. Mon nutrithérapeute m’a conseillé d’aller consulter chez une médecin en Suisse, spécialiste sur le sujet et des infections froides. En avril 2019, elle a été la première à considérer l’ensemble de mes symptômes. Elle m’a tout de suite proposé un protocole à base d’antiparasitaires,  de poly-antibiotiques et de phytothérapie car elle soupçonnait Lyme et d'autres co-infections. Je dirais aujourd'hui qu'elle a été ma survie. Et enfin un médecin qui me croyait... vous n'imaginez pas le ressenti !

Elle m’a aussi prescrit divers examens (tous à ma charge) via la Suisse et le Luxembourg dont des tests Lyme via une fondation à Genève (qui travaille depuis des années sur la recherche expérimentale de tests de dépistage Lyme, en lien avec les Etats-Unis).

Et quand on cible, on trouve ! Les premiers examens ont montré divers problèmes dont un diagnostic d’histaminose, une maladie peu connue en France. Il semblerait aujourd'hui que ce soit plus vaste avec un diagnostic de SAMA (syndrome d'activation mastocytaire). Grâce à un régime alimentaire sans histamine et à des antihistaminiques quotidiens, j’ai quasiment réglé mes problèmes digestifs ainsi que  d'autres symptômes. Cette histaminose est sûrement provoquée par l’inflammation dûe à Lyme.

Et en juin 2019, après plusieurs essais de tests de dépistage Lyme avec la Fondation, plusieurs sont revenus positifs ! J’ai beaucoup pleuré… pleuré sur les dernières années de combat pour comprendre, chercher, me faire reconnaître, aller au-delà des remarques blessantes ; heureuse de m’être faite confiance et de n’avoir rien lâché, envers et contre tous les médecins. C’était une libération. A partir de là, je suis devenue plus calme. J’étais apaisée qu’on ait enfin trouvé. Je savais au fond de moi que c’était le bon diagnostic et que je pouvais passer à autre chose.

Quelles ont été les réactions de ton entourage ?

Jusqu’au diagnostic de Lyme, mon entourage pensait comme les médecins, mais en étant moins cinglant toutefois : j’étais surmenée et il fallait que je me change les idées. Quand je parlais de tous mes symptômes, personne ne m’écoutait vraiment. C'est vrai, est-ce possible qu'une seule personne puisse en subir autant et aussi longtemps? A partir du diagnostic, tout le monde est devenu plus attentif. Contrairement à d’autres malades, quasi personne de mon entourage ne m’a lâché.

Ma moitié rencontrée alors que j’étais en arrêt me soutient depuis le début.

Enfin, au travail, j’ai la chance d’avoir une chef compréhensive qui a adapté mon poste.

Mais il est vrai que l’entourage ne se rend pas compte du calvaire qu’on vit, ni de l’ampleur des symptômes. En faisant peu, je suis au maximum de mes possibilités chaque jour et cela, c’est usant. En plus des symptômes de la maladie, nous connaissons l’errance médicale, le dénigrement. Le fait de ne pas avoir été prise au sérieux renforce la douleur. Tous les symptômes sont invisibles. La seule chose palpable pour les gens, c’est mon poids, cela en devient presque une obsession pour certains. Nous vivons dans une société où on ne dit rien à celui qui a des kilos en trop, mais on ne se gêne pas pour faire des remarques à celui qui n’en a pas assez.

Et puis quand on commence à être traitée, certains ne comprennent pas qu’on ne va pas mieux au bout de 2 mois. Il faut sans cesse expliquer qu'il n'y a pas encore de traitements types, qu'il faut tout essayer et voir... D'ailleurs mon médecin suisse adapte les traitements et les posologies à chaque fois qu'on se voit suivant mon état et mon ressenti. La recherche en est tellement aux balbutiements pour Lyme chronique !

Où en es-tu actuellement ?

Depuis avril 2019 et jusqu'à l'été 2020, j’ai enchaîné les protocoles entre antiparasitaires et antibiotiques (polyantibiothérapie à double dose). Mon médecin suisse me traite aussi par méthodes naturelles (Artemesia, Renouée, Ginseng Biloba…). C'est env. 50/50 entre chimique et naturel et la réussite de traitements ne marcherait pas uniquement avec les antibiotiques. J’ai de nombreux compléments alimentaires, tout en continuant mon régime sans gluten, sans lactose, sans sucre et sans histamine ainsi que les antihistaminiques. Chaque jour, j’ai plus d’une vingtaine de pilules à prendre. Depuis l'été 2020, je suis passée sur uniquement sur la phytothérapie avec essais d'autres protocoles.

J’ai eu beaucoup de réactions d’Herx (la bactérie libère des toxines quand elle est attaquée, ce qui entraine une exacerbation des symptômes) qui s’estompent au fur et à mesure des mois.

Au bout de 9 mois de traitement, en janvier 2020, le test Elisa français est aussi revenu positif... enfin !

De plus, en juin 2020, mon médecin suisse m'a fait faire un test de dépistage aux métaux lourds via l'Allemagne. Résultat : intoxication au plomb, au mercure et à l'arsenic. Cela n'est pas étonnant, car les malades de Lyme, avec l'inflammation, ont dû mal à évacuer les métaux lourds. En plus, je vais donc devoir faire des chélations pendant plusieurs mois.

Presque 1 an 1/2 après le début des traitements, de nombreux symptômes sont partis (il ne m'en reste que 26 sur 68!) et depuis 1 an 1/2, je peux retravailler à 50% malgré des périodes de rechute. Je peux parfois réécouter un peu de musique, je peux conduire 2h dans la journée, je peux aller à un concert près de chez moi ou au cinéma, je peux refaire une soirée (calmes) avec des amis ou de petites visites.

Mais je conserve toujours une énorme fatigue et le moindre effort supérieur à celui de mon quotidien m’handicape et m’épuise. La neuroborréliose est tenace et c'est la plus difficile à faire partir. Contrairement aux gens "normaux" qui peuvent prendre un Doliprane pour un mal de tête ou un anti-inflammatoire pour une douleur, avec la neuroborréliose, rien n'aide. Un médecin connu a dit que c'était comme vivre avec une méningite en permanence.

Le plus difficile avec cette maladie est qu'on ne peut rien prévoir. On peut être bien un moment et 1h après, être couchée car trop mal. Cela ne prévient pas et on est parfois soi-même surpris de la rapidité du changement. Et bien souvent, quand on dépasse légèrement le quota d’énergie de la journée, on le paye ensuite pendant 3 ou 4 jours.

Si je considère que j’étais tombé à 15% de mon énergie avant les traitements, je dirais que j’en suis aujourd’hui (en septembre 2020) à 50%, ce qui énorme et déjà une sacrée victoire !

J’essaye aussi des « médecines » parallèles comme le neurofeedback qui aide pour mes problèmes cognitifs. La cohérence cardiaque, le yoga et la méditation au quotidien sont aussi des outils indispensables.

Quel impact cela a-t-il eu sur ta vie ?

Pour le côté négatif, la maladie m’a isolée socialement. En dehors du travail, je n’avais quasiment plus de lien social car tout m’épuisait, même une conversation de 5 min. Heureusement que les réseaux sociaux existent pour conserver des nouvelles facilement et quotidiennement. Plus le temps passe avec les traitements et plus je peux refaire des petites activités avec les amis et cela fait du bien.

La maladie m’a aussi ruinée. Avant, je voyageais et vivais correctement. J’avais quelques milliers d’économies, qui sont toutes parties pour me soigner. J’ai aussi perdu énormément en salaire avec ma mise en invalidité. Aujourd’hui, j’ai l’aide ponctuelle de mon entourage pour payer toutes mes charges quotidiennes et mes médicaments, mais cela ne pourra pas être indéfiniment.

Il faut aussi dépenser beaucoup d’énergie pour rester positive, garder le moral, sans savoir si on sera un jour « guérie » ou pas. Il faut faire face aux périodes de rechute et de grosse baisse de moral.

Pour le côté positif, je dirais que je ne suis plus la même personne. J’ai l’impression de m’être pris un mur en pleine course, ce qui m’a obligé à me stopper, à me poser et à réfléchir. J’essaye de profiter du présent, de m’offrir du temps pour penser à moi et pour m’ouvrir sur les autres ; même si ce n’est pas toujours facile quand la fatigue est là depuis des mois, usante.

As-tu mis des actions en place pour t’aider ?

Sur le plan financier et devant l’état désastreux de mon compte bancaire, en juin 2019, j’ai écrit une tribune sur le ton de l’humour pour informer et collecter de l’argent pour continuer à me soigner. J’ai été surprise par la générosité de l’entourage qui a répondu présent. Il y a bien-sûr eu les proches, mais aussi les autres: des connaissances éloignées, des collègues, ma masseuse, des amis de collège sans nouvelles depuis des années, un prestataire de travail, … et même des gens qui ne me connaissaient que de bouche à oreille mais qui ont été touchés par ce que j’avais écrit. Cet argent m'a a permis de payer mes consultations en Suisse et des médicaments et compléments alimentaires sans lesquels la rechute serait assurée. Je dois régulièrement refaire des appels aux "dons" pour continuer à me soigner.

Avec cette maladie, je rencontre des gens supers et un soutien important. Par exemple, une personne suisse a trouvé mon blog et m’a écrit. Elle a comme moi Lyme et une histaminose. Depuis, on s’écrit presque quotidiennement pour se partager nos difficultés, nos symptômes. Quand l’une ne va pas bien, l’autre lui remonte le moral. On est vraiment liées. C’est important aussi de côtoyer des personnes qui vivent la même chose et qui peuvent tout comprendre.

Que pourrais-tu conseiller à un malade de Lyme ou à une personne suspectant cette maladie ?

Mon conseil est de ne jamais lâcher, avancer envers et contre tout pour avoir un diagnostic et accès ensuite à des traitements ; pousser toutes les portes possibles, tout tenter sans relâche ; ne pas avoir peur d’aller voir ailleurs. Il faut avoir de l’obstination et surtout, se faire confiance.

Le mot de la fin ?

Le chemin de la guérison est encore long pour moi, sans garantie, mais je ferais tout pour et jusqu’au bout.

Merci à ceux qui ont eu le courage et la patience de me lire jusqu’au bout !

Merci à Greg et SociaLyme de nous permettre de nous exprimer.

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