Témoignage de Julien

Julien a trouvé mon blog suite à mon témoignage sur la plateforme SociaLyme. Il m'a alors contacté pour me demander les coordonnées de mon médecin en Suisse.

Il m'a gentiment proposer de raconter son histoire pour que je la publie et que cela puisse servir à ceux qui sont encore en souffrance. Merci à toi Julien pour ta bienveillance !

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Mon calvaire a commencé en Avril 2012 alors que je suis à Stockholm depuis Août 2011 pour mes études d'ingénieur. A l'époque je fais 8 à 10 heures de sport par semaine (musculation, sports collectifs, et ne pouvant pas pratiquer mon sport de prédilection le VTT, je cours plusieurs fois par semaine dans la forêt autour de la résidence étudiante) et tout va pour le mieux. Vers la mi-avril je commence à avoir mal à l'épaule gauche, ce que je prends pour une bête blessure de type tendinite. J'arrête la musculation en me disant que je serais de retour dans un mois et j'augmente la course. Très vite je commence à avoir mal au mollet droit suite à un footing. Encore une blessure ?! Décidément c'est pas de chance. C'est pas mon premier claquage mais celui-ci est vraiment bizarre : parfois je le sens pas du tout même en forçant sur le mollet et parfois il me fait un mal de chien alors que je suis allongé dans mon lit. Pas grave, ça passera bien.

Mai 2012 : Toujours ces deux blessures qui ne s'améliorent pas auxquelles vient s'ajouter une grande fatigue sans raison apparente. Je commence à me dire que quelque chose ne tourne pas rond. De plus j'ai l'impression d'être tout de travers comme si j'avais une jambe plus courte que l'autre ou un truc comme ça. Mes parents viennent me rendre visite fin Mai en Suède et sont très surpris de voir leur fils tout mou, sans énergie et sans envie.

Juin 2012 : Retour en France pour les vacances. J'ai déjà perdu 3 kilos depuis le début et aucune amélioration des symptômes. Je vais consulter un premier médecin qui me diagnostic une tendinite à l'épaule. J'aurais 5 séances de kiné mais celui-ci m'assure que mon épaule n'a rien du tout. Aucune amélioration à la fin des séances. Pour mon mollet, j'obtiens une échographie : RAS mon mollet est en pleine forme pourtant il me fait toujours autant souffrir.

Juillet 2012 : Voyage de promo avec mon école d'ingénieur. J'y vais mais alors que tout le monde fait la fête tous les soirs, je vais me coucher à 21h30 car trop fatigué. D'ailleurs je ne supporte plus l'alcool, un verre et je suis couché. A mon retour tout s'accélère, je commence à avoir des fasciculations sur tout le corps et brusquement, en l'espace de quelques jours une douleur s'installe au niveau des testicules. En gros c'est comme si mes parties génitales avaient été anesthésiées. Je commence à vraiment déprimer à cause de tout ça (et non pas l'inverse !!!!). Je retourne voir mon médecin qui me prescrit enfin une prise de sang. Résultat: A part une baisse des globules blancs, surtout neutrophiles je suis en pleine santé.

Août 2012 : Je retourne en suède pour continuer mes études avec le moral dans les chaussettes. Et là c'est le summum ! Je commence à avoir les jambes en coton, je ne peux plus marcher 5 minutes sans éprouver le besoin de m'assoir sans parler des autres symptômes que je traine toujours. Je décide d'aller à l’hôpital où je vois une neurologue qui me fait un examen clinique qui apparaît normal mais coup de chance, elle me croit et remarque les fasciculations donc elle décide de m'hospitaliser. Là bas, j'ai le droit à 2 IRM, une ponction lombaire, un EMG et un tas de prise de sang. Résultat : rien de spécial, je suis en pleine forme . Pourtant les symptômes continus. Je remarque également des ganglions dans l'aine, un dans le cou et une boule sous le pied. Ca fait beaucoup quand même !

Septembre-Octobre 2012 : Je prends mon mal en patience, mon retour en France est prévu pour la mi-octobre et je me dis qu'à l'hopital, ils ne seraient pas passés à côté de quelque chose de grave. Tous les symptômes sont là avec des douleurs musculaires et articulaires légères en plus et je continue à perdre du poids, 5 kilos depuis le début. Cependant, mon périmètre de marche s'est considérablement amélioré et l'épisode "jambe en coton" semble terminé

Octobre 2012 : Retour en France. Je vois un nouveau médecin qui s'alarme enfin et me parle de Lyme. Il me prescrit une pds avec séro de Lyme, radio des poumons et échographie de la boule sous le pied. La radio est OK, l'échographie n'apporte rien, je devrais montrer la boule à un chirurgien, et la prise de sang montre que les globules blancs sont remontés, la séro Lyme est négative par contre j'ai une infection récente au CMV. Eurêka ! On a trouvé ! Seulement je vais voir sur internet, et le CMV est un petit virus de rien du tout sauf chez les immuno-déprimés. Au pire, il donne des symptômes semblables à la mononucléose mais hormis la fatigue, ça ne colle pas bien. A tout hasard, je regarde la maladie de Lyme et, oh miracle !, je retrouve beaucoup de mes symptômes et en plus le CMV est une co-infection fréquente de Lyme. Mais mon médecin est formel : Sérologie négative, pas de lyme !

Novembre 2012 : Nouvel prise de sang pour suivre l'évolution du CMV et surprise, mes neutrophiles (globules blancs) ont de nouveau dégringolé assez bas. Mon médecin, dépassé par ce résultat, m'oriente vers un infectiologue. Par ailleurs il me prescrit une échographie pelvienne et testiculaire et un dosage d'hormone et de testostérone : Résultats parfaits ! Sur le papier je suis plein de vitalité, autant que peut l'être un jeune homme sportif de mon âge. Dans les faits, c'est loin d'être le cas.

Décembre 2012 : Rendez vous chez l'infectiologue. Pour lui je n'ai rien d'autre que le CMV sur le plan infectieux. Il admet cependant que le virus n'explique pas tout mes symptômes et parle de coïncidences. Il me prescrit une prise de sang pour vérifier les mst mais tout est ok de ce côté là. Le chirurgien qui a vu ma boule sous le pied me diagnostique après IRM un nodule de ledderhose bénin mais qui pourrait être le premier signe d'une maladie de Ledderhose classée maladie rare. Moi qui n'ai jamais eu un problème de santé plus sérieux que la gastro, me voilà donc avec une maladie rare du pied, une infection au CMV asymptomatique chez 95 % des gens et très symptomatique chez moi, des troubles musculo-squelettiques (sérieux, à 23 ans ?!!), des problèmes génitaux idiopathiques (sérieux, à 23 ans ?!!).

Avril 2013: Je suis hospitalisé au service endocrinologie de l'hopital près de chez moi. J'ai la chance de tomber sur une médecin très humaine et réellement déterminée à trouver l'origine de mes problèmes. Je suis inspecté sous toutes les coutures mais tout les examens reviennent négatifs mis à part : une leucopénie mixte avec neutropénie et lymphopénie, une sérologie CMV positive à IgG et IgM (mais charge virale négative, bien que je ne sache pas très bien ce que cela signifie), une carence sévère en vitamine D et modérée en vitamine B12. La docteur transmet mes sérologies Borreliose au centre de référence à Strasbourg mais celle-ci reviennent négatives. A partir de là, cette piste est définitivement écartée par la médecin et, malgré toute sa bonne volonté, je ressort de l'hopital guère plus avancé que quand j'y suis entré.

C'est à partir de ce moment que je perds tout espoir dans la médecine "officielle" et décide de prendre le taureau par les cornes. S'en suit une longue période où je passe mes journées sur internet, à lire des forums, des publications scientifiques (en français et en anglais), des powerpoint de cours de médecine, bref une petite formation accélérée en médecine infectieuse. Bien sûr, on ne devient pas médecin en 2 mois d'internet et il faut impérativement garder cela à l'esprit, mais l'incompétence de la médecine officielle sur la thématique des infections chroniques ne nous laisse malheureusement pas d'autres choix. Après cette période de recherche, je finis par être convaincu que je souffre de Lyme chronique (au sens large, c'est à dire Borrellia et/ou des co-infections) et décide d'envoyer mon sang dans une clinique spécialisée (privée et très chère ! Certains savent voir le profit dans la souffrance des malades mais passons ...) en Allemagne. La sérologie revient positive à Borrelia et tout un tas d'autres bactéries et virus.

A partir de là, je contacte l'association France Lyme qui me donne le nom d'un médecin français compétent persécuté par la sécu sociale pour donner des traitements antibiotiques longs à ses patients. Je vais le consulter et c'est parti pour une antibiothérapie de 4/6 mois (je ne me souviens plus trop) entièrement à mes frais (enfin à ceux de mes parents en vrai). En effet, comme ce médecin est menacé par la sécu parce qu'il coûte trop cher en prescrivant des traitements pour soigner une maladie qui, officiellement, n'existe pas, il fait ses prescriptions hors AMM (autorisation de mise sur le marché) et donc à la charge du patient. A partir de là, démarre une période faite de doutes et d'espoir. Contrairement à beaucoup de malade, ma prise d'antibiotique n'a pas eu d'effet fulgurant (certains voient une amélioration immédiate, d'autres une aggravation due à la libération de toxines faisant suite à la destruction des bactéries). Pour moi rien de tout ça, les progrès sont lents et il faut regarder loin en arrière pour remarquer l'amélioration. Alors, on doute : est-ce que la prise de sang faite en Allemagne est fiable ? Est-ce qu'ils n'ont pas tendance à voir des maladie de Lyme partout étant donné que c'est leur gagne-pain ? Est-ce que le docteur qui me soigne ne serait pas un charlatan comme ne cesse de le seriner les instances officielles ? Est-ce que les wagons d'antibio que j'avale ne feront pas plus de mal que de bien sur le long terme ? Pourtant, semaine après semaine mon état s'améliore imperceptiblement et, après plusieurs mois de traitement, je me sens (quasi) normal. A partir de là, je décide de laisser ce cauchemar derrière moi. J'arrête les médicaments du jour au lendemain, je quitte les forums et tout ce qui pourrait me ramener au mauvais souvenir de la maladie. Peut-être que c'était un peu trop brutal. Finalement, début 2014, je commence une thèse dans un labo de sciences de l'environnement et je reprends la montagne à fond. Je débute l'escalade et me mets à l'alpinisme. Aujourd'hui, 6 ans plus tard, j'ai obtenu ma thèse et suis chercheur dans mon domaine, et j'ai quelques belles courses d'alpinisme dans mon carnet. Ma vie personnelle est très épanouie et je pense que ma malheureuse expérience avec Lyme y est pour quelque chose. Je pense qu'elle m'a permis de me recentrer sur ce dont j'avais vraiment envie et besoin en laissant de côté le superflu. Je m'en suis donc très bien tiré et souhaite encourager les autres malades en leur montrant qu'il y a une voie pour sortir de ce cauchemar. Cependant, ne faites pas la même erreur que moi en arrêtant brutalement tout traitement. Aujourd'hui il m'arrive en effet de faire de légères rechutes (qui restent largement gérables) dans les périodes de grand stress ou lorsque je choppe un virus de passage. Je suis donc entrain de chercher un médecin compétent plus proche de chez moi pour me guider sur un traitement de fond moins agressif (éventuellement en phytothérapie), afin de me permettre de parcourir la dernière petite marche qu'il me manque avant la pleine santé.

Bon courage à tous et bonne santé !

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